Dès les premiers pas, la lumière méditerranéenne accompagne nos énergies. Rien n’est pressé, pourtant tout avance vite : l’étrange équilibre de cette randonnée où l’on vise une performance sans jamais oublier de regarder autour de soi.

Le sentier s’ouvre sur les terrasses de l’AOC Faugères, les pierres chauffent doucement, la végétation se réveille. La marche prend son rythme, naturel, précis, presque mécanique, mais l’œil reste disponible, attiré par la palette d’automne dispersée entre vignes rougissantes et horizon bleu pâle.

Un premier arrêt à Roquessels vient poser la matinée : sa chapelle restaurée, adossée au château, semble veiller sur le paysage. L’endroit respire l’apaisement, le silence s’installe comme une évidence.

Le Minervois n’est jamais brutal, seulement régulier, patient, façonné par l’équilibre entre plaine et contreforts du Massif central.

Laurens apparaît, puis Autignac, et avec eux la première vraie parenthèse conviviale. On sort le café, le thé de Noël, les biscuits et les gâteaux partagés sans cérémonie.

Personne ne parle vraiment de fatigue, chacun savoure la douceur du moment, la pause simple, le plaisir d’être ensemble. Le vent se lève légèrement, secoue quelques feuilles tardives, et la randonnée reprend, sereine, certaine.

Les kilomètres suivants installent un autre décor. La zone se fait plus vallonnée, les vues plus profondes, les lignes plus franches. La chapelle Notre-Dame de la Roque domine une portion plus minérale, où l’odeur de garrigue se mélange à celle du schiste chauffé.

Les jambes tirent un peu, mais l’œil, lui, ne se lasse pas. Le Languedoc viticole, ici, ne se contemple pas seulement, il se ressent : dans la chaleur de la pierre, dans les murets, dans la courbe des terrasses, dans le vent qui porte les parfums d’herbes sèches.

La Liquière, Cabrerolles, puis Caussiniojoules se succèdent. La cadence se maintient, l’humour aussi. Il y a dans ces derniers kilomètres une complicité silencieuse, celle des défis partagés sans autre enjeu que le plaisir de se dépasser. Quand le panneau Faugères se dessine enfin, tout le monde sourit. Il est 16h38. Le compteur affiche 36 km, 900 mètres de dénivelé, 8h38 de mouvement ponctuées de pauses joyeuses. La journée est grande, pleine, accomplie.

On s’assoit, on respire, on savoure. Une bière locale apparaît, un panettone circula, et la randonnée se transforme en moment de fête discrète, comme seuls les chemins savent en offrir. Personne ne fanfaronne, personne ne s’effondre : on se réjouit simplement de ce passage, de cette traversée, de ce morceau d’Occitanie vécu pleinement.

Les conversations, inévitablement, glissent vers l’après. Et si la prochaine fois on tentait les 42 km 195 m de la rando-marathon ? Les yeux pétillent, plusieurs voix approuvent sans hésiter. Le défi n’a pas eu le temps de refroidir que déjà un autre s’invite. C’est peut-être ça, la véritable signature de ce GR® de Pays Tours en Minervois Saint-Chinian Faugères : non pas la difficulté, mais l’envie qu’il laisse derrière. Celle de revenir, d’aller plus loin, de traverser d’autres paysages viticoles, d’autres chapelles, d’autres lignes horizontales où la terre, la vigne et la pierre racontent ensemble le Languedoc éternel.